Télévisions

Le tunisien est bien servi en matière de télévision en cette période du Ramadan, après l'appel à la prière et des louanges datant des années 70, on se retrouve devant le désormais inévitable Cheikh El Machfer, maniant un langage très directe et proche du niveau de compréhension du tunisien moyen à une culture religieuse très respectable, il essaye tant bien que mal de déminer un terrain qui a été trop longtemps laissé aux prédicateurs islamistes du proche orient, le discours est bon mais derrière il n'y a pas une volonté affichée de casser le dogme wahabite, l'intervention qui dure environ 15 minutes se termine sur un rappel de l'origine du programme "offert" par la radio privée Zeitouna, tout le monde devrait la remercier mais on oublie vite que c'est plutôt de la publicité gratuite pour la radio religieuse (un must désormais sur les véhicules de transports en commun, commerçants et même certaines grandes surfaces), mais ce n'est pas grave, on est en famille. Une dose extrêmement excessive de pub nous est par la suite servie, mais on commence à s'habituer, l'industrie de l'agro-alimentaire et les télécommunications se portent bien, aucun signe annonçant l'avénnement d'une vraie société de consommation, le tunisien consomme certes, mais il le fait généralement en empruntant chez la dizaine de banques en Tunisie, et personne n'a pu rater l'arrivée en fanfare de la nouvelle banque portant le même nom de la radio religieuse (même propriétaire peut-être?), le mot "islamique" est enfin prononcé à la télé publique, les plus fervents exultent, ceux qui n'aiment pas cette déferlante de "reborn muslims" voient d'un œil sceptique cette installation définitive d'une institution "100% Chariaa Islamique". La publicité présente le client de la banque islamique comme un tunisien normal, juste soucieux de ne pas déplaire à Dieu en n'empruntant pas Halal, "pour que mon cœur se rassure",une assurance religieuse comprenez, le message ne s'adresse plus aux cerveaux, on sait déjà qu'on est dans l'obligation de prendre un crédit, mais il s'adresse désormais à l'émotif, le cœur étant symboliquement le lieu de foi et d'émotions, on explique les grands principes, mais personne ne nous explique que cette banque, pour des raisons évidentes de concurrence, aura les même "taux d'intérêts" que les autres banques, mais chut, il ne faut pas parler d'usure, la "bénficitiation" (murabah'a: tu me fais gagner de l'argent quand tu m'empruntes de l'argent) elle est 100% halal. Le tunisien continuera entre temps à s'endetter pour s'acheter des pâtes ou un yoghourt. Puis c'est au tour du célébre Habib Migalou d'entrer en scène, Cactues Prod. est toujours présente avec le talentueux Sami El Fehri qui se met cette fois à table pour écrire le scénario. La forme est toujours la même avec des guignols, le style du langage ne change pas, des blagues qui font au plus sourire et on plus on doit se retrouver avec un bon deux tiers de football dans l'émission, oui bien sur, on ne critique que les footballeurs en Tunisie et encore, l'épisode Mghirbi Vs Kammoun montre que l'on ne peut toucher un président en Tunisie fut-il celui d'un club de football, mais la scène la plus importante fut celle de la caricature de la chaine d'Al-Jazeera (que je vomis par dessus tout que cela soit dit en passant), on montre le responsable de cette chaine comme un manipulateur qui ne veux que du mal au paradis sur terre qu'est notre pays, l'allusion à reporters sans frontières est flagrante et les plus radicaux sentiront une insulte directe et une assimilation de "RSF" à "CSF": chiens sans frontières, on n'est plus étonné après de voir le nom de Sami El Fehri dans la liste des personnalités publiques souhaitant une candidature de Ben Ali en 2014 (j'y reviendrais), et ses vaines tentatives de faire un semblant de critique perdent toute crédibilité, comme on dit chez nous: "c'est la veuve qui tape sa fille", aucune conviction et surtout aucun effet.
Entre temps, on a le choix entre les deux concurrents de la chaine mauve: sur Hannibal TV, on ne change pas une équipe qui gagne, Tunisie 2050 continue sur sa lancée avec un sponsoring plus poussé allant parfois jusqu'à s'incruster dans les dialogues, c'est frais, marrant mais pas plus, le concept aurait pu être nettement mieux exploité mais il y a un grand travail qui saute aux yeux, l'audace est timidement présente mais jamais absente, c'est parfois le seul moyen de critique acceptable en Tunisie: on peut très bien critiquer le passé puisqu'il n'existe plus, puisque personne n'est responsable et surtout parce que notre situation s'est tellement améliorée qu'il nécessaire de trouver le passé médiocre. Les producteurs ont réussi à récupérer deux grandes voix (Dhafer El Abdinie & Lassaad sans plomb), on peut donc affirmer que cette émission a un très bon avenir, seule crainte, c'est de se retrouver en 2050 et se rendre compte que rien n'a changé depuis, que l'on a toujours pas trouvé l'origine de nos maux.
Sur Nessma TV, le feuilleton "Ma belle-mère" s'articule autour de la trop classique confrontation entre le mari et la mère de se femme, mais le scénario est bien ficelé et les acteurs ont un jeu qui frole la perfection parfois, la grande Mouna Noureddine s'est faite sfaxienne de l'ancienne génération, agaçante mais sympathique, son accent a causé plus d'un problème, les sfaxiens se sont sentis visés alors qu'il n'y avait aucune raison de l'être, je ne veux pas polémiquer autour de sujet mais je veux juste rappeler que "Babboucha" est originaire du KJB, son accent est authentique et personne n'a jugé bon de condamner Nessma pour un anti-"nord-ouest" latent. Sofiene El Chaari est sorti de la peau de la tête à claque et le rôle du chef lui va à merveille, le beau-frère de Babboucha est lui aussi exceptionnel, les blagues fusent et les rires sont là, un bon plat très facile à digérer malgré quelques lourdeurs de la Pub, une émission comme on aimerait bien en voir souvent, surtout avec l'ajout d'une composante algérienne, l'audience veux ça certes mais ça nous rappelle que certains liens nous unissent encore et nous enrichissent dans la différence.

Le point d'orgue de la soirée est bien sur le feuilleton, vous avez le temps d'aller faire un tour avant le début de "Casting" tellement il y a de pub, il faudra un jour penser à réglementer le secteur, Sami El Fefhri, encore lui, est aux commandes et nous filme ce qui devrait être la vie des acteurs après la fin du tournage de "Maktoub" (2008 & 2009). Tout s'articule autour de deux principaux lieux: le tournage d'un film et ceux qui gravitent autour; le théâtre et ses amoureux ainsi que les interactions entre ces deux mondes, si certains acteurs sont talentueux, le niveau moyen est moyen voir médiocre, personne n'est vrai dans son jeu, aucune chaleur n'est dégagée, faut peut-être le petit SDF mignon comme tout. En ce qui concerne les sujets abordés dans le feuilleton, on est d'abord choqué par leur petit nombre, car si l'on exclue le problème de santé de l'Héros et la fugue du petit garçon, on se retrouve avec des problèmes purement sexuels ou presque, tout le monde couche avec tout le monde et l'amour est trop souvent relègue au deuxième plan, l'escort girl qui se fait entretenir par un riche homme d'affaire veux se mettre avec le beau-gosse de l'histoire (ça ne vous rappelle pas Hend Sabri dans Maktoub 2), le playboy qui léve toutes les filles du tournage et même celles de FaceBook et enfin le mec marié avec femme enceinte qui dépucèle la jeune fofolle de 17 ans, la scène est grotesque: il se réveille et passe une demi heure à se rendre compte qu'il a couché avec elle, une insulte au bon sens puisqu'il n'a pas pu aussi facilement oublier sa nuit ou bien avec qui il l'avait passée, l'acte sexuel est donc exposé sans pour autant être banalisé, il est à obligatoirement à cacher et on n'arrive pas à s'en souvenir parce qu'il naturellement flou dans nos esprits, il est le non défini, je trouve que ce feuilleton contrairement à ce que peuvent penser une majorité de tunisiens ne cautionne pas une vie sexuelle libre ou libérée, mais au contraire, la présente comme douloureuse et aux conséquences trop grave (Prison, problèmes familiaux, suicide [Maktoub 2]) et soyez sur qu'on ne montrera jamais un couple heureux vivant en concubinage en Tunisie. En ce qui concerne la forme, on ne sort pas de l'auberge: les villas sont toujours aussi luxueuses, le bling-bling est toujours de mise et on se demande parfois si ces gens là viennent de la même planète que nous, d'autres parts, on voient finalement des familles moyennes qui ne tombent pas dans la médiocrité (le cuisinier, le Héros) mais qui ne font que confirmer qu'un grand schisme est entrain de se dérouler, que cette fierté d'avoir une population composée de 90% de gens appartenant à la classe moyenne est entrain de s'envoler, on sera à long termes un agrégat riches et de pauvres qui vivront sur le même sol, et qui regarderont les mêmes télévisions!